Le marché hypothécaire suisse a connu une croissance modérée, malgré la pandémie

par / 24 June 2021
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Une analyse des principaux acteurs de 2015 à 2020

L’essentiel en bref
  • Au cours des cinq dernières années, le marché hypothécaire suisse a progressé de près de 165 milliards de francs pour atteindre environ 1’138 milliards de francs (+ 17%). En 2020, ce chiffre a connu une hausse de près de 37 milliards de francs (+3,4%). La pandémie n’a donc pas eu d’effet négatif sur la croissance et le développement du marché hypothécaire en Suisse.
  • Les banques dominent toujours 94% du marché des prêts hypothécaires grâce à des décennies de portefeuilles accumulés, mais les caisses de pension se développent d’année en année et sont de loin le groupe de fournisseurs qui a connu la plus forte croissance au cours des cinq dernières années (+75%).
  • Les intermédiaires hypothécaires ont déjà négocié entre sept et huit milliards de francs en 2020. Calculée sur la base d’un volume du marché annuel de 180 milliards de francs, la part des intermédiaires sur le marché représente désormais plus de 4%.
  • Les exigences des clients en matière de transparence et d’accès à un large choix de prestataires ainsi que d’offres hypothécaires ne cessent d’augmenter.
  • Une croissance de trois à quatre pour cent est également prévue pour 2021, soit un chiffre comparable aux années précédentes. Les investisseurs alternatifs, telles que les caisses de pension à la recherche d’opportunités d’investissement attrayantes, gagneront en volume de marché.

Le marché hypothécaire en 2020

Les banques représentent toujours de loin le groupe de fournisseurs le plus important

Fin 2020, le marché hypothécaire suisse représentait près de 1’138 milliards de francs, ce qui en fait l’un des plus importants au monde. S’élevant à 1’250 milliards d’euros, les prêts hypothécaires en Allemagne ont une valeur nominale presque aussi importante qu’en Suisse, par exemple. Cependant, l’Allemagne compte environ dix fois plus d’habitants que la Suisse (83 millions) et son taux de logement en propriété s’élève à plus de 50%.

Seuls 63,5 milliards, soit un peu moins de 6% du volume hypothécaire, sont détenus par les deux groupes de fournisseurs non bancaires, soit les compagnies d’assurance et les caisses de pension. Les banques représentent toujours les 1’074 milliards de francs restants. Elles dominent à elles seules 94% du marché hypothécaire suisse, même si une part croissante de ces actifs est générée par des canaux de distribution tiers et comprend, en particulier, le renouvellement hypothécaire, disproportionnellement plus important que le financement initial/nouveau financement.

 

Les banques cantonales occupent la première place avec un volume de plus de 401 milliards de francs, suivies par les grandes banques, qui gèrent près de 296 milliards de francs de volume hypothécaire. En revanche, la part des compagnies d’assurance (39,5 milliards) et des caisses de pension (24 milliards) est faible, même si ces dernières en particulier sont capables d’enregistrer une croissance à deux chiffres en pourcentage année après année et, surtout, d’attirer de nouveaux clients.

Cependant, il faudra encore de nombreuses années pour que la part des établissements non bancaires augmentent de manière significative. En effet, la constitution d’un portefeuille hypothécaire prend du temps et dépend de canaux de distribution alternatifs, dont principalement des intermédiaires. En moyenne, les hypothèques ne doivent être renouvelées qu’à hauteur d’environ 140 milliards de francs* par an, le solde résiduel reste dans les comptes des créanciers hypothécaires. Si l’on ajoute à cela la croissance actuelle du marché (37 milliards de francs suisses), on obtient un volume de marché d’un peu moins de 180 milliards de francs par an.

* Détermination du calcul: en Suisse, les prêteurs hypothécaires ne sont pas tenus de communiquer leurs volumes annuels de conclusion de prêts hypothécaires. Il existe sur le marché donc uniquement des estimations. Nous estimons actuellement que les prêts hypothécaires en cours ont une durée moyenne de huit ans, ce qui signifie qu’environ 1/8 du volume hypothécaire total doit être renouvelé chaque année. Sur un volume hypothécaire total de plus de 1’100 milliards, ce chiffre s’élève donc à 140 milliards. 

Le marché hypothécaire suisse – croissance malgré ou grâce à la pandémie

Le marché hypothécaire suisse total a progressé de 36,9 milliards de francs, soit 3,4%, en 2020. Malgré une année de pandémie, cela correspond à la croissance de l’année précédente (2019: + 33,7 milliards / + 3,2%). Cette croissance est principalement due à l’augmentation des prix de l’immobilier, le taux de logement en propriété stagnant depuis des années à près de 40%.

Si la croissance des prêts hypothécaires en 2020 est répartie entre les différents groupes de prestataires, une image intéressante se dessine: alors que les grandes banques ont progressé de près de 25 milliards de francs, les banques régionales et les caisses d’épargne ont perdu 16 milliards de francs en volume. Toutefois, cela n’est pas dû au cours habituel des affaires, mais à la fusion entre la Neue Aargauer Bank (NAB) et le Crédit Suisse en novembre 2020. La catégorie « grandes banques » englobe donc désormais le volume hypothécaire de la NAB – qui s’élevait à 19,1 milliards de francs suisses à la fin de 2019.

 

Les caisses de pension connaissent la plus forte progression en pourcentage

 Afin d’illustrer de manière réaliste la croissance du marché en 2020, des grandes banques ainsi que des banques régionales et caisses d’épargne, le volume hypothécaire de la NAB a été corrigé (au 31.12.2019) dans le graphique ci-contre. L’image corrigée démontre que les banques cantonales ont une fois de plus généré le volume d’hypothèques le plus important en valeur nominale, avec une croissance nette de plus de 15 milliards. Elles ont réalisé une surperformance pour atteindre 3,9%. En revanche, la plus forte croissance en pourcentage a de nouveau été réalisée par les caisses de pension : nous estimons que ce groupe de prestataires a enregistré une augmentation de plus de 16% en 2020. C’est d’autant plus remarquable que les caisses de pension ne disposent pas ou très peu de canaux de distribution propres et bénéficient, dans une large mesure, du secteur des intermédiaires professionnels en particulier.

 

Raiffeisen, les banques régionales et les grandes banques, ainsi que les compagnies d’assurance connaissent une croissance inférieure à celle du marché

Les banques régionales et les caisses d’épargne (+3,1%), les banques Raiffeisen (+2,7%), les compagnies d’assurance (+2,5%) et les grandes banques (+2%) ont certes progressé, mais légèrement moins que la moyenne du marché. Les compagnies d’assurance, qui ont vu une baisse de volume l’année précédente, ont pu à nouveau évoluer positivement en 2020 et développer légèrement leurs investissements dans les hypothèques.

L’évolution du marché hypothécaire de 2015 à 2020

Croissance constante de trois pour cent par année

Au cours des cinq dernières années, le marché hypothécaire suisse a connu une croissance de presque 165 milliards de francs (+17 %), ce qui correspond à un taux de croissance annuel moyen de 3,4%. Bien que le volume des caisses de pension ait presque doublé au cours des cinq dernières années (+75%), elles ne détiennent toujours qu’une part de marché de 2% en raison de leur volume encore faible.

 

Banques cantonales
  • Les banques cantonales représentent encore les prêteurs hypothécaires les plus importants du marché. Elles ont à nouveau augmenté légèrement leur part de marché (de 34% à 35%).
  • Le volume hypothécaire des banques cantonales a augmenté de plus de 22% pour atteindre près de CHF 401 mrd (marché : +17%).
  • Sur la même période, la ZKB, la banque cantonale la plus importante, n’a progressé que de 19%. On peut donc en conclure que la croissance a principalement concerné les petites banques cantonales. La pression concurrentielle dans les plus grandes villes de Suisse a augmenté disproportionnellement à cause des intermédiaires professionnels et des banques concurrentielles (« dissolution du principe de territorialité »).
Grandes banques
  • Au cours des cinq dernières années, les grandes banques ont enregistré une croissance de 13,2 % (CHF 34,5 mrd), soit nettement inférieure à celle du marché (+17%), même en tenant compte de l’achat de la NAB (+19 mrd).
  • En valeur nominale, le volume hypothécaire des grandes banques a diminué chaque année de 2015 à 2017. Elles affichent à nouveau une croissance depuis 2018, même si celle-ci se situe souvent en-dessous de la moyenne du marché. Cela démontre néanmoins que cette activité a gagné en importance et que les grandes banques proposent des conditions attractives.
  • En 2020, la part de marché des grandes banques est de 26% (2015: 26,9%). Elles gèrent ainsi un volume d’hypothèques d’environ CHF 296 mrd.
Les banques Raiffeisen
  • Le groupe Raiffeisen fait partie des banques ayant connu la plus forte croissance ces cinq dernières années. Son volume a augmenté de plus de 20% (+ CHF 32 mrd) et ses parts de marché ont légèrement augmenté pour atteindre 16,7%.
  • Avec CHF 190 mrd, il s’agit du troisième groupe de prestataires le plus important en matière d’hypothèque, après les banques cantonales et les grandes banques.
Banques régionales et caisses d’épargne
  • Les banques régionales et les caisses d’épargne ont vu leur part de marché considérablement reculer (de 9,3% à 7,4%), à la suite de l’intégration de la NAB au Crédit Suisse.
  • Même sans inclure cette transaction dans le calcul, les banques régionales et les caisses d’épargne auraient connu une croissance inférieure à celle du marché, avec une part de marché d’environ 12%. Ensemble, elles gèrent un volume hypothécaire de 84 milliards de francs suisses.
Compagnies d’assurance
  • Après un recul en 2015, les compagnies d’assurance n’ont cessé de croître, mais elles ont à nouveau réduit leur volume hypothécaire en 2019. En raison de contraintes réglementaires (fortune liée) et d’une allocation de portefeuille traditionnellement plutôt axée sur le secteur du placement immobilier direct, leurs possibilités de croissance restent limitées.
  • Pourtant, les compagnies d’assurance ont connu une croissance estimée à 2,5% en 2020, soit un taux inférieur à celui du marché.
  • Les changements dans le volume des compagnies d’assurance cachent d’importantes différences entre les fournisseurs. Certains ont connu un taux de croissance à deux chiffres, alors que d’autres ont abandonné une partie de leur portefeuille hypothécaire pour des raisons stratégiques.
  • En 2020, le volume des hypothèques gérées par les compagnies d’assurance était estimé à 39,5 milliards, soit une croissance de 13,7% au cours des cinq dernières années. En conséquence, la part de marché a légèrement diminué, passant de 3,6% à 3,5%.
Caisses de pension
  • Les caisses de pension sont le groupe de fournisseur ayant connu la plus forte croissance au cours des cinq dernières années.
  • Avec une croissance de 75%, les caisses de pension ont développé leurs volumes hypothécaires près de cinq fois plus vite que le marché depuis 2015 et géraient déjà un montant estimé à 24 milliards à la fin de 2020, soit une part de marché qui n’est encore que de 2,1%.
  • À la différence des compagnies d’assurance, le potentiel de croissance dans le domaine de l’hypothèque a encore une belle marge de progression pour ce secteur d’investissement, avec un volume de placement total de 1’005 mrd à la fin 2019.

Canal de distribution des intermédiaires

Un secteur en plein développement

L’importance des intermédiaires en prêt hypothécaire n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Néanmoins, le marché suisse des intermédiaires reste relativement petit et possède un important potentiel de rattrapage et de croissance par rapport à l’étranger. Calculée sur la base d’un volume du marché annuel de 180 milliards de francs (140 mrd par année pour le renouvellement des hypothèques existantes et une croissance de 37 mrd), la part des intermédiaires sur le marché suisse représente plus de 4%. En Allemagne, par exemple, près de la moitié de l’activité hypothécaire est réalisée par des intermédiaires, en Grande-Bretagne, cette part s’élèverait à 70%, d’après une étude de McKinsey.

Le domaine des intermédiaires constitue aussi une opportunité pour les banques

Le succès de MoneyPark a également stimulé la concurrence : un certain nombre d’intermédiaires hypothécaires, plus ou moins grands, ont été fondés ces dernières années. L’an dernier, même UBS s’est lancée dans cette activité avec sa propre plateforme de courtage hypothécaire. Le recours à des courtiers hypothécaires professionnels comme canal de vente (supplémentaire) constitue une solution intéressante depuis plusieurs années. Cette option est non seulement avantageuse pour les caisses de pension et les compagnies d’assurance, mais aussi pour l’ensemble du secteur, car elle permet de générer de nouveaux clients et de répondre à la demande des emprunteurs hypothécaires qui tendent à comparer de plus en plus d’offres. De nombreux courtiers en hypothèques ne publient pas le détail de leurs volumes. Toutefois, nous estimons qu’entre sept et huit milliards de francs d’hypothèques ont été conclus via un intermédiaire en 2020 dans toute la Suisse. Si l’on calcule que 80% de la croissance des caisses de pension et des compagnies d’assurance en 2020 a été générée par des intermédiaires (3,7 milliards de francs), l’autre moitié du volume négocié a été confiée aux banques. Ces chiffres démontrent que les banques s’adaptent à la demande des emprunteurs hypothécaires qui recherchent un choix important et transparent en matière de solutions de financement. Le rôle des intermédiaires est central pour la croissance du marché hypothécaire.

Perspectives

Une croissance stable en 2021

Les banques ont enregistré une croissance d’environ 1% lors du premier trimestre 2021. Cette hausse suit donc la tendance des dernières années. La pandémie n’a pas ralenti la croissance du marché hypothécaire, bien au contraire. Suite à une brève période de gel après le début de la crise sanitaire, de nombreuses caisses de pension et fondations de placement ont renforcé leur présence sur le marché hypothécaire. Cette évolution s’observe également pour l’année en cours : étant donné que les placements en hypothèque génèrent un rendement plus important que les obligations de première classe comme les emprunts d’État, à des risques comparativement faibles, nous prévoyons que d’autres caisses de pension et fondations de placement vont investir ou étendre leurs investissements dans cette classe d’actifs au cours des prochains mois. Pour les banques et les compagnies d’assurance, nous estimons que le taux de croissance sera similaire à celui du premier trimestre. Cela devrait se traduire par une croissance de trois à quatre pour cent – comme les années précédentes.

Les changements sur le marché hypothécaire prennent du temps

Jusqu’à 90% des emprunteurs hypothécaires continuent de prolonger leur hypothèque, sans offre de comparaison, directement auprès de leur ancien établissement de financement, principalement pour des raisons de commodité malgré les économies d’intérêts potentielles élevées ainsi que la facilité de comparaison des produits hypothécaires. La situation est différente pour les nouveaux financements : une enquête représentative menée par MoneyPark a montré que près de 70% des Suisses contractent leur hypothèque exclusivement auprès de leur banque. En Suisse alémanique, cette part est plus élevée (73%) qu’en Suisse romande (50%). La tendance à la comparaison prend donc de l’ampleur en Suisse et recèle un énorme potentiel, notamment dans le domaine du renouvellement.

Il faudra donc attendre plusieurs années avant de pouvoir observer des changements fondamentaux dans la répartition des hypothèques. Cependant, la tendance est claire : à moyen terme, le marché hypothécaire suisse sera dominé par différents fournisseurs ainsi que par des intermédiaires professionnels. L’importance des caisses de pension joue ici un rôle clé : l’entrée sur le marché hypothécaire leur est devenue beaucoup plus simple et attractive, grâce à des offres couvrant toute la chaîne de valeur (acquisition, distribution et servicing).    

Mais les besoins des emprunteurs hypothécaires vont également évoluer dans les années à venir. La demande pour un conseil indépendant et plus transparent, des conditions de taux d’intérêt les plus attractives possibles et un large choix de produit augmente chaque année, comme le prouve l’entrée sur le marché de plusieurs nouvelles plateformes de comparaison. La vision de MoneyPark de rendre le marché hypothécaire plus simple d’accès et transparent pour le client hypothécaire grâce à l’information et la technologie apparaît comme une réalité de plus en plus tangible.

Découvrez l’étude dans son intégralité

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